Comment mener une enquête ethnographique et recueillir des parcours de vie dans un grand ensemble, lieu de la stigmatisation ? Comment le chercheur pourrait échapper, à son tour, à une stigmatisation possible de son travail, perçu en lien avec la « sociologie de la galère » ? L'engagement associatif comme cadre global de l'action et, en son sein, une production graphique et transdisciplinaire de « parcours de vie » comme dispositif partagé et négocié, peuvent constituer une réponse. Les « parcours graphiques » réintroduisent la notion de complexité et individualisent des personnes souvent « parlés » comme étant des « groupes » ; ils peuvent ainsi aider à combler les fractures symboliques qui séparent la banlieue de la ville car ils se destinent à la communication externe, à travers notamment des expositions.
La représentation graphique permet de saisir des événements biographiques « comme autant de placements et de déplacements dans l'espace social » (Bourdieu, 1986), et implique également la construction d'un espace physique qui nie le postulat de l'enclavement, souvent posé comme « excuse » à des intervention de rénovation urbaine. Cette manière de représenter des parcours de vie née d'une démarche transdisciplinaire engagée (entre art, anthropologie et urbanisme) s'adresse à plusieurs destinataires, car l'objet - visuel - se situe à plusieurs niveaux : pour les habitants c'est une manière d'être reconnu comme des « individus » et échapper ainsi à la stigmatisation ; pour les décideurs, ces parcours pourraient être un vecteur de meilleure compréhension du quartier et ses habitants ; pour les chercheurs en sciences sociales ils peuvent représenter une méthode innovante de « résumée » de trajectoires de vie ; pour le monde de la création artistique ils sont vus comme des « objets » graphiquement denses car porteurs de valeurs croisées.