L'histoire du mouvement syndical européen du siècle dernier est notamment marqué par un déplacement, plus ou moins lent suivant les pays, d'un mode d'activité dominant basé sur l'action collective de classe, vers une position d'intervention et d'implication dans les institutions sociales et politiques de l'État, via l'expansion de la négociation collective de travail, du « dialogue social » et des pactes sociaux.
Au fil des commotions politiques et sociales en Europe durant le XXe, la forme des relations entre syndicats et partis « amis » (chrétiens-démocrates, socialistes ou communistes) a toujours eu un effet significatif dans les processus de médiation capital-travail et l'adoption de certains modèles de stratégies et de tactiques par le mouvement ouvrier organisé.
Ce papier se base sur une analyse socio-historique comparative du syndicalisme belge et espagnol, de leur degré d'autonomie actuel et de leur positionnement au sein du régime. Malgré les différences historiques et structurelles fondamentales entre les syndicalismes du Nord (dit « néocorporatistes ») et du Sud (dit « politiques ») de l'Europe, il tâchera de saisir les tendances d'attitude communes face aux États nationaux des syndicalismes européens, soumis simultanément aux pressions de la centralisation internationale du capital, de l'européanisation des relations industrielles et des contradictions internes – au niveau de la représentation des intérêts des travailleurs – qui s'accroissent et apparaissent dans la guerre sociale déclenchée aujourd'hui suite à la crise des dettes souveraines, surtout lorsque celle-ci est menée par les partis « alliés » au pouvoir.
Enfin, il s'agira de faire une proposition de bilan quant aux leçons socio-politiques que l'évolution du mouvement ouvrier de ces deux pays peuvent apporter pour l'analyse et les perspectives de transformations du syndicalisme en Amérique Latine, face aux défis conjugués posés par les gouvernements de fronts populaires et l'irruption de la crise économique mondiale sur le continent.