"Against the Airport and Its World". Autonomies at the Zad Notre-Dame-Des-Landes.

La période contemporaine est marquée par l'influence de l'« individualisme de la différenciation » (Le Bart, 2008) sur les modèles d'organisation des mouvements sociaux. Ce « droit pour chacun de se définir sur la base de ce qui le différencie des autres » (Ibid) s'apparente au désir du Sujet que Touraine interprétait comme « la volonté de l'individu d'être acteur de sa propre existence » (2005). A cette appréhension émancipatrice de la notion d'autonomie s'oppose l'injonction néo-libérale qui participe du développement des techniques individualisées du contrôle social. L'un des enjeux des luttes sociales est donc de se réapproprier le sens de ce concept ambivalent et de lui donner corps à travers la mise en place de pratiques et de structures permettant sa réalisation.

En France, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), auto-proclamée Zone d'autonomie définitive, est à l'origine d'un mouvement d'opposition sans précédent contre les Grands Projets Inutiles. Ses militants entendent lutter contre la construction d'un aéroport international, mais aussi et surtout contre « le monde qui va avec ». Ils opposent ainsi à la « colonisation de nos vies » par les « aménageurs » (L'aéroport qui cache la forêt, septembre 2012), une expérimentation individuelle et collective visant à lutter contre toutes les formes de dominations. Mais cette « autonomie ça veut dire plusieurs choses » (Jean, 20 mai 2013). Quels sens sont attribués à cette notion et comment sont-ils mobilisés dans la lutte contre l'aéroport et son monde ? En nous appuyant sur l'enquête ethnographique que nous y avons mené pendant un an, nous interrogeons les discours et les pratiques se revendiquant d'une recherche d'autonomie individuelle et collective. Nous nous intéressons plus particulièrement aux rapports qu'ils entretiennent avec la valorisation de l'expérience et de la réflexivité considérées comme les remparts contre la reproduction des relations d'autorité.