La Lecture Fait- Elle Encore Partie Des Loisirs Des Jeunes ?

Les discours pessimistes sur l’évolution de la lecture font florès et pointent souvent les jeunes générations comme les plus éloignées du livre, sous l’effet de la concurrence exercée par des écrans omniprésents, tout particulièrement dans le cadre des loisirs. Ce diagnostic nécessite d’être nuancé (Chartier, 2017) et éclairé par une série de mutations survenues dans les rapports des jeunes à la lecture.

D’abord, les humanités littéraires ont largement reculé dans la bourse des valeurs culturelles face aux humanités scientifiques, avec pour conséquence l’affaiblissement de la rentabilité scolaire de la lecture mais aussi de sa fonction de cohésion au sein d’un groupe social ou d’un groupe d’âge (Octobre, 2013). En outre, une grande partie des loisirs des jeunes sont aujourd’hui ancrés dans des univers médiatiques et numériques : les fonctions fictionnelles et informationnelles, autrefois monopoles du livre sont désormais prises en charge par d’autres propositions culturelles comme les séries, les vidéos en ligne, les réseaux sociaux. Enfin, l’acte-même de lire s’est largement transformé, se déclinant sur une grande diversité de supports et de natures d’offre (formats brefs ou sériels, lectures numériques conjuguant lecture et écriture, contributions individuelles ou collectives) (Poissenot, 2019).

Une analyse multivariée des données de la dernière enquête Pratiques culturelles en France, concernant les jeunes de 15 à 24 ans a été réalisée sur leurs pratiques et goûts en matière de lecture de livres et de presse sur supports papier et numérique. Elle fait apparaître un paysage beaucoup moins uniforme qu’il n’y parait, traversé par des clivages de sexe, d’âge et d’origine sociale et migratoire, et met en évidence six rapports à la lecture. La présentation se focalisera tout particulièrement sur deux de ces univers qui témoignent de l’étendue des transformations en cours.