Enquêter Sur L'islam: Les Obstacles Au Métier De Sociologue.

L'« l’islam » est cet « objet chaud » dont parlait Jean Leca, il y a plus de 30 ans, à la source de différentes luttes politiques et symboliques, conduisant presque mécaniquement, à l’accusation du parti-pris idéologique. Accusation redoublant dès lors que l'analyste entretient avec son objet d'analyse une relation familiale ou familière. Ainsi, prendre pour étude, un objet traitant de près ou de loin de « l’islam », constitué publiquement comme un « problème social », c’est s'exposer à reproduire dans son analyse ce qui est présupposé dans les représentations collectives (Bourdieu, Passeron). L’islam étant un objet social qui fait problème, il est alors tentant de prendre pour objet d’étude le problème que pose l’islam, c'est à dire de construire sa problématique qu’en référence au problème social qu’il pose. C'est pourquoi, il y a une urgence toute particulière à appliquer à l'objet "islam" les réflexions les plus abouties en matière de sociologie critique. En effet, la méthode de la sociologie réflexive qui s'interroge sur elle-même, c'est à dire sur ses conditions sociales et politiques de productions, permet de mettre en lumière les obstacles sociaux qui se dressent entre le sociologue et son objet. Dans la continuité des travaux qui s’inscrivent dans cette démarche de réflexivité et tout particulièrement des travaux qui s’intéressent aux questions de « race » dans le rapport à l’enquête et aux enquêté.e.s, je souhaite aborder, lors de ma communication, une série d’obstacles fondamentaux qui constituent des biais épistémologiques majeurs lorsqu’on étudie l’objet « islam ». A partir de mes expériences de terrain, je traiterai de l'obstacle assez classique de la transformation d'un problème social en problème sociologique; puis m'intéresserai à l'obstacle constitué par les effets de champ disciplinaire; pour terminer enfin par la redoutable question du rapport des sociologues aux croyances religieuses.