Vers Une Transvaluation De La Féminité

Cette communication propose d’interroger les frontières entre féminin et féminisme, féminité aliénante et féminité émancipatrice, afin de nourrir les utopies concrètes (Bloch 1991) d’une féminité positive. En quel sens la féminité pourrait-elle être transvaluée afin de devenir un outil d’empuissancement ? Comment les représentations du corps féminin peuvent-elles en être le vecteur ? Au sein d’une culture française masculine et phallocentrée, au cœur même des souffrances, des ambivalences et des injonctions, les perspectives d’émancipation existent déjà; mais le manque d’imagination collective et le sentiment d’impuissance les refoulent parfois telles des utopies abstraites et idéalistes. Nous pourrions en effet envisager une transvaluation de la féminité en réinvestissant les structures mentales existantes. J’entends par transvaluation la notion nietzschéenne désignant l’utilisation des formes présentes mais en transmutant les valeurs qui y sont inscrites : « Ne pas laisser périr ce qui existe depuis longtemps, c’est une pratique prudente, car toute croissance est si lente et le sol est lui-même si rarement propice aux plantations nouvelles ! Dévier les forces vers des buts nouveaux ! » (Nietzsche 2022 Tome II [1901] aphorisme 499 p 188). Il s’agit donc d’un agir visant à se réapproprier le sens de la féminité, à resignifier ses valeurs afin d’en changer le principe hiérarchique. Il confère ainsi aux sujets la possibilité d’instituer d’autres futurs. Le large dispositif de dépossession sociale du corps des femmes, souvent décrit dans les médias engagés comme « un corset mental », doit perdre sa force coercitive. Pour « dévier » cette dernière, il faudrait dépatriarcaliser les valeurs du féminin, les défonctionnaliser et les requalifier afin que les femmes deviennent les sujets puissants d’une féminité choisie.