Sur Le Rapport Entre Réflexivité Politique Et Réflexivité Sociologique. De Durkheim à Bourdieu

La présente communication vise à poser, d’un point de vue de la philosophie des sciences sociales, la question du rapport entre la réflexivité sociologique et la réflexivité politique, en particulier chez Émile Durkheim et, en conclusion, également chez Pierre Bourdieu, en reconnaissant une problématique commune entre les deux sociologues. Chez Émile Durkheim, la fondation de la sociologie est accompagnée d’une forte thèse épistémologique et méthodologique concernant la rupture de la pratique scientifique avec les prénotions du sens commun. Cependant, en même temps, surtout dans une phase plus tardive de sa pensée, la sociologie est comprise – en contradiction partielle avec les préceptes des Règles de la méthode sociologique – comme un relais de conscientisation des sociétés modernes et comme un prolongement des représentations des acteurs sociaux. Une fonction similaire est jouée, selon les Leçons de sociologie, par l’État, que Durkheim considère comme « organe réflexif de la société ». La question qui se pose est donc celle du rapport entre une réflexivité politique, qui trouve dans le gouvernement son lieu d’élaboration et qui a avant tout un objectif pratique, et la réflexivité scientifique, celle du sociologue, qui doit à la fois rompre avec le sens commun mais qui ne peut que partir de ce dernier, étant son objet le plus propre. L’objectif de la communication est de montrer comment la réflexivité scientifique et la réflexivité politique ne peuvent pas être superposées chez Durkheim, bien qu’elles maintiennent une articulation problématique à bien des égards. En prenant appui sur la dette de Bourdieu envers Durkheim concernant la définition de l’État comme détenteur du pouvoir symbolique, ainsi que sur le plan de la perspective épistémologique de rupture avec la sociologie spontanée, il sera vérifié en conclusion si la sociologie réflexive de Bourdieu constitue une solution pour sortir de l’impasse durkheimienne.