JS-59.6
Les Usages Sociaux De La Barrière Linguistique Par Les Professionnel.Le.s De Santé De Services Hospitaliers Français Et Québécois

Thursday, 19 July 2018: 11:05
Location: 718B (MTCC SOUTH BUILDING)
Oral Presentation
Camille FOUBERT, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, France
Si l'on a tendance à opposer la France et le Québec (et plus globalement le Canada) en matière de respect, de gestion et de prise en compte de la diversité culturelle et religieuse, il apparait fondamental d'analyser les pratiques quotidiennes et localisées des agents de l’État travaillant en relation avec la population. Une enquête par observations prolongées et par entretiens réalisée dans le cadre de ma thèse en 2015 et 2016 au sein de services d’endocrinologie et de médecine interne d’un centre hospitalo-universitaire francophone de Montréal et de deux centres hospitalo-universitaires situés en Ile-de-France propose de montrer, que les pratiques dans ces hôpitaux ne diffèrent pas fondamentalement. A partir de l'exemple de la gestion de la diversité linguistique des patients et pour expliquer cette étonnante similarité, je montrerai l’intérêt d’une analyse fine des usages sociaux que les soignants font de ce qu'ils perçoivent comme "l'obstacle" de la "barrière linguistique". La prise en charge des patients non-francophones peut être vue comme un exemple paradigmatique de la gestion plus globale des patients issus des minorités à la fois de race et de classe, qui témoigne du décalage entre les cadres institutionnels et les espaces de pratique.

La « barrière linguistique » est utilisée par les soignants pour donner du sens à des désaccords ou difficultés rencontrées avec des patients, mais aussi pour justifier des réponses apportées : donner des informations supplémentaires ou négocier est vain puisqu’ils « ne comprennent pas ». Nous verrons donc d’abord comment la barrière linguistique sert à l’organisation du travail : malgré l’existence de services d’interprétariat, ce sont les soignants bilingues et/ou d’origine étrangère qui sont particulièrement mis à contribution pour démêler des situations où la communication fait défaut. La « barrière linguistique » permet aussi une certaine délégation des soins, notamment vers les familles et les proches.