L’Art Et l’Argent. Ethnographier La Négociation Des Financements Entre Les Chorégraphes De Danse Contemporaine Et Les Institutions Culturelles.

Dans le milieu de la danse contemporaine français, la première étape de la création d’un spectacle consiste à trouver des financements. Les chorégraphes doivent solliciter des rendez-vous avec des représentants culturels (directeurs de théâtres ou responsables politiques) pour parvenir à récolter suffisamment d’argent pour salarier des collaborateurs (danseur, scénographe, créateur son, costumier). Cette activité est indispensable dans la mesure où le champ chorégraphique dépend économiquement et politiquement des pouvoirs publics (Faure, 2008). Dès lors, de quoi parle-t-on dans un rendez-vous avec un théâtre ? Dans un milieu qui invisibilise les questions financières, comment se déroulent les négociations pour obtenir de l’argent ?

A partir d’une enquête ethnographique par entretiens avec des chorégraphes et des programmateurs (50), cette communication étudie les enjeux économiques du travail artistique. De plus, étant moi-même salarié dans une compagnie de danse contemporaine comme danseur-interprète, j’ai pu assister et observer directement des rendez-vous entre des créateurs et des institutions culturelles (10). Il s’agit ici de proposer une ethnographie du rapport entre l’artiste et l’institution en analysant les liens de séduction et les effets d’homologies structurales. L’enquête révèle l’ambiguïté de ces rapports économiques : à la fois indispensables pour la survie des artistes mais toujours déniés par l’idéologie du génie créateur.

Nous nous intéresserons d’abord aux dispositions sociales acquises par les chorégraphes lors de socialisations antérieures (famille, écoles supérieures) créant un capital spécifique : le créateur doit apprendre « sur le tas » à élaborer des relations avec les programmateurs dans le contexte d’un marché artistique qui intègre de plus en plus les outils du néomanagement (Sinigaglia, 2021). Ensuite, nous analyserons la continuité entre « identité professionnelle » et « style de vie d’artiste » : l’entretien des rapports de séduction et d’amitié (Quemin, 2021) avec les institutions sont indispensables pour la survie dans la carrière du chorégraphe.