De l’Excès Émotionnel Au Contrôle De Soi. Quelle Mise En Scène De La Masculinité Dans La Formation Des Traders Professionnels ?

Le milieu financier est historiquement dominé par les hommes, et cela est particulièrement vrai pour des catégories professionnelles comme les « traders », c’est-à-dire celles et ceux qui achètent et vendent des actifs sur les marchés. Témoins de cette tendance, plusieurs enquêtes réalisées dans les années 1980-90 auprès des professionnels de la finance ont permis d’émettre des constats qui relèvent les enjeux d’égalité et d’inclusivité dans ce secteur, en montrant que le travail des traders dans les salles de marchés à la criée s’accompagnait de la « performance » d’une masculinité agressive qui marginalisait la place des femmes. Dans cette communication, nous souhaitons remettre à l’examen cette thèse à la lumière des récentes évolutions de la pratique du trader, dont la virtualisation de l’activité, ainsi que la diffusion de nouvelles formes de savoirs issues de la finance comportementale. Pour ce faire, nous présenterons les résultats d’une analyse documentaire réalisée auprès des ouvrages de « psychologie du trading » les plus influents dans les communautés de traders, avec pour objectif d’étudier les nouvelles normes, pratiques et représentations auxquelles ces acteurs sont sensibilisés dans leur formation, et leur influence sur la marginalisation des femmes et des minorités de genre. Nous verrons que cette littérature prescrit aux traders un important « travail émotionnel », fondé sur le contrôle des émotions ressenties dans le contexte de leur pratique. Bien qu’il s’agisse d’une transformation majeure, ces représentations reproduisent en réalité d’importantes discriminations, alors que le contrôle émotionnel et la maîtrise de soi sont traditionnellement associés à la masculinité. En étudiant les normes émotionnelles prescrites dans cette littérature, notre communication souhaite mettre en exergue le rôle des savoirs professionnels dans la (re)production d’inégalités de genre dans le secteur financier, à un moment où la participation des femmes et des minorités de genre connaît paradoxalement une croissance.