Accueillir l’Incohérence Dans Les Luttes Climatiques : Enquête Au Cœur De La Culture d’Extinction Rébellion

Thursday, 10 July 2025: 13:15
Location: SJES023 (Faculty of Legal, Economic, and Social Sciences (JES))
Oral Presentation
Célia DE PIETRO, Université de Lausanne, Switzerland
Si nos pratiques individuelles quotidiennes ont un impact non-négligeable sur notre environnement, les modifier ne constituerait pas, en soi, une action suffisante pour renverser le cours du dérèglement climatique actuel. Cette vision, souvent partagée par les groupes militants pour le climat, est celle défendue par le mouvement Extinction Rebellion (XR). Ce dernier prône plutôt de dénoncer un « système délétère » par des actions de désobéissance civile à l’échelle mondiale et de dépasser ainsi une vision en termes de responsabilité individuelle qu’XR rattache à une dissimulation mensongère du problème.

Forte d’une ethnographie immersive (Favret-Saada, 1977 ; 1990) de quatre ans dans le groupe lausannois du mouvement, je compte présenter dans le cadre de ma communication comment les « rebelles » d’XR mettent en place une culture « XRienne » leur permettant de faire coexister leur engagement en faveur du climat et leurs habitudes quotidiennes. Cette coexistence n’est pourtant pas évidente : peut-on lutter en faveur de l’environnement en consommant de la viande ? En prenant l’avion ? En possédant un smartphone ? etc. XR met alors en place des règles strictes encadrant les possibilités d’évaluation des comportements individuels sous la formalité « No blame, no shame ». L’incohérence devient ainsi un élément ordinaire de la lutte. Ces règles peuvent cependant rencontrer des formes de résistance quand le désalignement émotionnel (Hochschild, 2003 ; 2017[1983] ; Kaufmann, 2020) est trop important.

Dans ma communication, je partagerai des comptes rendus d’observations issus de mon ethnographie d'XR. Les cas que je présenterai permettront une réflexion sur les enquêtes (Dewey, 1993[1938]) menées par les rebelles d’XR quant à ce qui compte vraiment pour le mouvement, l’essence et le sens même de leur lutte, ainsi que sur les moments de désajustements internes et externes au groupe révélant des tensions quant aux valeurs et pratiques pouvant coexister.