La Fabrique d’Un Anticolonialisme d’Etat. La Mise à Distance Du Passé Colonial Dans La Politique Étrangère Belge (1990-2002)
La Fabrique d’Un Anticolonialisme d’Etat. La Mise à Distance Du Passé Colonial Dans La Politique Étrangère Belge (1990-2002)
Thursday, 10 July 2025: 14:00
Location: FSE008 (Faculty of Education Sciences (FSE))
Oral Presentation
En 2002, le ministre belge des Affaires étrangères reconnaît la « responsabilité morale » de la Belgique dans l’assassinat de Patrice Lumumba et présente, au nom du gouvernement, des excuses officielles à la République Démocratique du Congo. La coalition libérale au pouvoir – engagée dans une double stratégie de mise à distance du passé colonial et de modernisation de sa diplomatie à l’égard des pays d’Afrique centrale – a décidé deux ans plus tôt de mettre en place une commission d’enquête parlementaire chargée d’étudier ce crime fameux de l’histoire postcoloniale belgo-congolaise, afin de favoriser un rapprochement avec le nouveau président du pays, Laurent-Désiré Kabila. Cet acte de reconnaissance est l’aboutissement d’un double processus de fond qui anime le champ du pouvoir belge depuis plus d’une décennie : (1) la préoccupation croissante de contourner les accusations de néocolonialisme afin de préserver des liens économiques et politiques privilégiés avec la RDC, le Rwanda et le Burundi, ses anciennes colonies ; (2) une « intégration logique et morale », paradoxale et problématique à bien des égards, de la critique anticolonialiste par les élites politiques et administratives belges.
Sur base d’entretiens et d’archives inédites du parti libéral belge couvrant la décennie 1990 – un parti historiquement proche des milieux d’affaires, et, à ce titre, particulièrement investi dans ce travail de préservation de ces relations postcoloniales – cette intervention voudrait retracer la sociogenèse de cette mutation du discours diplomatique belge à l’endroit des pays d’Afrique centrale et le rôle décisif joué par ce parti dans la fabrique de ce nouveau discours d’Etat. On tentera notamment de montrer comment ce néocolonialisme progressiste, ou cet anticolonialisme d’Etat, relève à la fois d’une forme spécifique « d’ignorance blanche » et d’une appréhension cynique et ordinaire de la compétition géopolitique.