Les Embûches De La Mémoire." L'eternaute" Comme Metaphore Anticipatoire De La Dictature Argentine Et Relecture De Ses Séquelles

Cette communication se propose d’aborder la bande dessinée de science-fiction L’Éternaute, devenue culte dans plusieurs pays et entendue comme une mise en scène des processus d’assujettissement, de répression violente et de reprise de la mémoire collective observés en Argentine pendant les dernières décennies. Publiée dans ce pays, cette bande dessinée a profondément marqué son public, devenant même une sorte d’hymne à la résistance. L’ancrage de l’ouvrage dans des lieux familiers de Buenos-Aires renforcera encore son réalisme, tout en faisant écho aux angoisses de la population de l’époque. L’engagement des protagonistes dans une lutte inégale face à un oppresseur cruel et inintelligible, leur sentiment d’insécurité, leurs peurs et leurs espoirs feront alors écho à la lutte du peuple contre la dictature argentine, expliquant au passage l’immense popularité de la saga. La « disparition » en 1977 du créateur, Hector German Oesterheld, enlevé et assassiné par les forces armées, ne fera d’ailleurs qu’augmenter l’importance d’un récit, dont la ligne argumentative reprend sa cohérence dans l’après-dictature. Cependant, L’éternaute est beaucoup plus qu’une simple bande dessinée de science-fiction : elle s’amorce à partir d’un présent reconnaissable et se révèle page après page comme une métaphore anticipatoire, une prophétie qu’a pris son essor dans une première partie ou saga mère, créée entre 1957 et 1959 par Oesterheld et illustrée par Francisco Solano Lopez. Après quoi, elle permettra de relire les politiques sur la mémoire récente en Argentine dans une deuxième partie, sorte de trilogie post-dictatoriale due à Solano Lopez et au nouveau scénariste Pablo Maiztegui. Celle-ci  illustrera, à partir de 2003 et jusqu’en 2011, « Le retour » du protagoniste, la mythique « Recherche d’Elena » et les eschatologies de « La fin du monde ».