L'Autre, un « escroc sentimental à but migratoire » : les discours politiques sur les hommes étrangers dans les couples binationaux en France

Les politiques d'immigration en France depuis une dizaine d'années visent très particulièrement les couples binationaux dont le ressortissant étranger est sans papiers. Depuis 2003, sont inscrits dans la loi les délits de mariage « blanc » et mariage « gris »: le premier se réfère au délit de mariage de complaisance, et le deuxième concerne l'étranger extra-communautaire qui se pacse (pacte civil de solidarité) ou se marie seulement pour avoir des papiers de séjour, c'est-à-dire, et selon la formulation des personnalités politiques françaises « un escroc sentimental à but migratoire ». Or, ce discours et les politiques d'immigration ne visent pas tous les couples de la même manière. La sexualité, la nationalité, la « race », le genre, la classe ou l'âge de la personne étrangère sont des critères importants de la suspicion de l’authenticité d'un couple. À partir de mon travail de terrain effectué pendant trois ans auprès des couples binationaux de même sexe et de sexe différent, il s’agira, dans cette communication, d’analyser la manière dont cette politique régule et contrôle la vie intime de ces couples par le discours politique mais aussi par l'application de la loi. Celle-ci varie lorsqu'il s'agit des couples où l'homme est racisé, « d'origine maghrébine », ou « musulman pratiquant », ou « ressortissant d'Afrique subsaharienne » ; des masculinités qui posent problème à la « République ». Celui-ci est vu comme un escroc, un danger pour la femme blanche occidentale : l'administration française régule ainsi la vie intime des couples en jugeant l'authenticité de leur lien. Dans quelle mesure les mariages gris ou blancs sont-ils des constructions genréés et racisées de la politique d'immigration ? Et qu'en est-il de ces constructions de la « menace masculine étrangère » lorsqu'il s'agit des couples binationaux gays masculins ?