Les Trajectoires De Douleur Des Personnes Utilisatrices De Drogues [Pain Trajectories Among People Who Use Drugs]

Alors que les enquêtes épidémiologiques insistent sur la forte prévalence des douleurs chroniques chez les personnes utilisatrices de drogues, les autorités sanitaires nord-américaines renforcent régulièrement les restrictions autour de la prescription d’antalgiques à cette population, d’autant plus dans le contexte actuel de la « crise des opioïdes » qui touche le Canada et les Etats-Unis. À partir du concept de trajectoire de douleur (pain trajectory) issu de la sociologie de S. Fagerhaugh et A. Strauss, cette présentation s’intéresse à l’expérience et à la gestion de la douleur chez les personnes consommant des drogues. Les analyses se basent sur une étude qualitative en cours par entrevues auprès d’usager-e-s de cocaïne et d’opioïdes de la ville de Montréal (Canada) déclarant souffrir de douleurs chroniques ou récurrentes. Comment les consommations de drogues s’inscrivent-elles dans les trajectoires de gestion de la douleur de ces personnes ? Comment le contact avec les mondes sociaux organisés autour de la consommation et de la vente de drogues influence-t-il l’expérience de la douleur et sa gestion? Nous analyserons les trajectoires de douleur des personnes utilisatrices de drogues à la croisée du monde du soin et du monde des drogues : il s’agira de comprendre leur expérience de la prise en charge médicale de la douleur, mais aussi leurs pratiques de gestion de la douleur en dehors du système de santé, notamment l’automédication avec des substances antalgiques obtenues dans la rue. Le constat d’un entrelacement entre la gestion de la douleur et les consommations récréatives permettra une réflexion sur l’ambiguïté de la frontière entre drogue et médicament, et un questionnement sur les conditions d’accès au soulagement de la douleur pour les personnes consommatrices de drogues.